“Sur le chantier des forts”
Le long de la route, une troupe de cent cavaliers prend la route du nord. Et ce n’est pas exactement l’élite de l’armé dérigionne. Les proscrits, les parias, les pauvres, les rebelles… Tous avancent au pas morne de leurs montures, deux colonnes parallèles de cinquante cavaliers sales, trempés par la pluie battante.
Dans cette colonne se trouve Fazul. Fils d’un rebelle Bathras, il a été envoyé pour servir l’Empire sur le vaste chantier de la chaîne des forts. Il est un otage garantissant la docilité de sa famille mais il est aussi un espion que son père a chargé d’étudier les techniques militaires dérigionnes pour le jour béni où les Batranobans pourront enfin se libérer du joug de l’Empire.
A côté de lui, avance un noble Dérigion envoyé au mur par son père afin qu’il mérite son futur grade de Vedar en commençant dans la boue.
Autre figure notable du détachement, un Gadhar Hysnaton couvert de pointes acérées et qui a en plus la troublante particularité de ne pas avoir de visage complet. Une bouche surmontée de deux narines et puis rien, une face lisse, sans œil, sans expression, un front rugueux à la beauté terriblement exotique, juste une peau noire ornée d’épines. Animal de foire et esclave, il a été offert à l’armée par son ancien maître qui se lassait de sa présence.
Après des jours et des semaines de cheval, c’est une colonne de soldats épuisés qui arrive au milieu d’un chantier où s’entassent les grues en bois, les palans, les échafaudages. Des travailleurs barbares mélangés à des petits groupes de soldats crasseux avalent péniblement une infâme tambouille sous des peaux censées les préserver de la pluie.
Ils sont convoqués sous la tente d’Hector Rempierre, Vedar de la 7ème splendeur et responsable de l’avancée des travaux et de la sécurité du chantier. Ils y reçoivent leur paquetage et leur affectation. Ils effectueront des patrouilles au-delà du mur afin de prévenir toute avancée piorade.
La tente est montée dans un coin et la bouillie servie.
Lors de la patrouille du lendemain, ils attrapent un cochon sauvage pour améliorer l’ordinaire et partagent avec une autre patrouille, se faisant ainsi des amis dans le camp. Quelques jours plus tard, ils empêchent cette même patrouille de violer des barbares des environs et redorent du coup le blason de l’armée impériale… Les semaines puis les mois passent. Kele et Alban sont affectés à la patrouille où ils apprennent la géographie des environs, pendant que Fazul se retrouve à l’intendance. Rapidement, ils organisent un petit trafic de produits rares, échangeant un choux de plus ou une prise de Kele contre un service ou une information. Ainsi ils apprennent qu’il y a plusieurs Porteurs le long du chantier dont deux sont ici… Ils offrent les services de deux jumelles barbares peu farouches à leur officier, s’attirant ainsi ses faveurs. Bref, les six premiers mois de service sont mis au service de l’intégration et de l’union au sein de la troupe de soldats. Certains commencent même à supporter la face lisse de Kele !
Soudainement, par un matin aussi glacé que les autres, le Vedar Hector Rempierre confie à un petit contingent, dont ils font partie, la mission d’aller à la rencontre des villages barbares des alentours. Le chantier manque autant d’ouvriers que de soldats et s’entendre avec les voisins peut être un plus.
Ils préparent donc un présent pour le chef et rejoignent le village de Svep. Sur place, c’est la fête du porcelet. Tout le monde mange et boit joyeusement et les soldats sont rapidement invités à la fête. Fazul apprend qu’il y a eu la veille un problème avec le village voisin et craint une attaque pendant la beuverie. Il décide donc de monter la garde. Kele, Alban et la vingtaine de soldats qui les accompagnent sont moins craintifs, ils boivent, chantent, reboivent, bais… courtisent la paysanne. Kele participe avec succès à un concours de lancer de handicapés alors qu’Alban brille par sa descente de bière fraîche.
Les uns et les autres finissent par se réveiller le lendemain dans des endroits improbables et notamment Alban qui ouvre les yeux à côté de la fille du chef dont le gabarit est estimé à cent-vingt kilos !
Les villageois hurlent, les guerriers du village de Bruch sont dans la plaine entendant bien régler le contentieux évoqué pendant la fête. Les habitants de Svep souffrent tous d’une terrible gueule de bois dont Delow, le chef de Bruch, compte bien tirer profit. La grande majorité des soldats dérigions va se placer dans une forêt proche du champ de bataille afin de surprendre l’adversaire au moment opportun.
La bataille est lancée. Rapidement, c’est le chaos le plus total, les soldats, vomissant leur bière, arrivent à peine à stopper la charge des guerriers barbares. Ensuite, plus rien ne compte que de tuer celui qui vient en face. Grâce à ses compétences de meneur d’hommes, Fazul tente une percée en groupe pour atteindre le chef adverse avec l’aide d’Alban. Kele, de son côté se bat comme un lion pour tenter de réorganiser un semblant de défense.
Le cheval du chef de Bruch s’emballe et il se retrouve à terre. Alban ajuste son tir pour envoyer sa lance dans le ventre de ce piètre cavalier mais le destrier, rendu fou par l’odeur du sang, lui fonce dessus. Fazul se prépare alors à trancher les antérieurs du cheval pour laisser le temps à son compagnon d’ajuster son tir. Malheureusement, il échoue lamentablement dans sa tentative et se retrouve piétiné et traîné au sol par l’animal. Sa jambe droite est en miette mais ce n’est pas le plus grave. Il a juste le temps d’utiliser un cadavre comme bouclier pour éviter un coup de hache et le voilà à terre avec un énorme barbare qui tente de lui briser le cou.
Alban a également été atteint par la bête mais parvient pourtant à blesser le chef de Bruch avec son jet de lance. Kele, qui a atteint le corps à corps, parvient à l’abattre.
Fazul est au plus mal. Après plusieurs minutes d’un corps à corps sans merci, il est délivré de son adversaire par un barbare de Svep.
Les Dérigions, retranchés dans la forêt, n’ont pas attaqué et il reste peu de survivants de l’armée. Kele va jeter un œil pendant que les deux camps ramassent leurs blessés. Jojéhaz, le tout nouveau chef de Bruch, décide que le contentieux est réglé et rentre dans son village avec ses troupes.
Kele ne trouve rien. Il passe même à travers une fine couche de glace et finit dans l’eau gelée. Au village, des soldats survivants s’inquiètent, il y avait les deux Porteurs du camp parmi les disparus de la forêt ainsi que la moitié de la troupe. Il faut les retrouver !
Après une journée de soins, Fazul, Kele et Alban prennent des chevaux et partent enquêter. Ils découvrent la piste d’une troupe plus nombreuse venue prendre les Dérigions à revers. Sur place, il ne reste rien et le trio en déduit qu’ils ont été enlevés ou qu’ils ont déserté.
La piste est longue et ils errent plusieurs jours dans la forêt. Ils s’aperçoivent alors qu’ils ont été un peu légers en termes de préparatifs et qu’ils sont plutôt démunis. Mais cela importe peu pour le moment car ils viennent d’entendre les éclats d’une dispute.
Kele s’approche et découvre une troupe de Dérigions gisant dans une clairière. Ils viennent d’un autre point du mur et sont tombés sur une troupe de barbares qui a emmené deux Armes. Très certainement celles de leurs deux Porteurs.
Kele reste tapi dans l’ombre pour en apprendre plus. Il trouve un soldat en train de se disputer avec une lance plantée dans le ventre d’un barbare. Le soldat tient un énorme cimeterre doré à qui il parle également. Appuyés sur des arbres, trois soldats agonisent, un quatrième parvient encore à parler.
Ils parlent de récupérer à tout prix un certain Messager et une autre Arme nommée Constance. C’est alors que le soldat pointe son cimeterre vers l’endroit où se trouve Kele. Il interroge son Arme, lui demandant de préciser la nature du danger qui les menace lui et ses camarades.
Alban et Fuzul, pourtant épuisés et lourdement blessés, choisissent néanmoins de charger le Porteur. Après tout, il n’est pas en meilleure forme qu’eux. La charge est un succès et le malheureux soldat reçoit deux lances en pleine poitrine, plantées là par deux de ses frères d’arme. Kele, monté sur la croupe du cheval d’Alban, profite de la vitesse de l’animal pour se jeter sur le blessé appuyé contre le tronc d’arbre. Malheureusement, il manque sa cible qui sort une énorme masse d’arme hérissée de pointes et le frappe de toutes ses forces au thorax en une terrible explosion de flammes. Kele est projeté dans les airs, à eux doigts du trépas.
Un troisième Porteur !
Fazul et Alban, plus morts que vivants décident d’affronter cet ultime adversaire amoindri. Le combat tourne à leur avantage et nos trois soldats récupèrent chacun une Arme. Fazul s’empare de la lance Pomélius, fanatique de l’Empire. Alban ramasse le cimeterre Oktalep, ravi d’avoir un Porteur frais et Sambre, la masse, se retrouve dans les mains d’un Kele inconscient. Le même Kele qu’il vient de fracasser. Il s’excuse platement expliquant qu’il aimait bien son Porteur et qu’il regrette cette terrible situation. Kele est à peine conscient de sa présence dans son esprit.
Les Armes parlent de Messager. L’Arme semble être à l’origine de la construction du mur. Il aurait fait cela dans le but de construire une voie au sud du continent sans craindre l’invasion piorade. Selon lui, ce mur assurera une tranquillité nécessaire à l’Empire pour qu’il puisse construire sa route.
Les Armes conduisent leurs Porteurs chez une vieille barbare capable de les soigner et, après quelques jours de repos, ils se remettent en route sans même l’avoir violée (au grand dam d’Oktalep), pour rejoindre le village où les barbares retiennent les soldats Dérigions et les Porteurs de Messager et Constance.
Sur place ils découvrent un vaste village muni d’un fort et possédant une population nombreuse. Ils voient également un enclos plein de chagars.
Kele décide de s’approcher pour en savoir plus mais, maladroit, tombe nez à nez avec trois immenses Piorads dont l’un a les yeux rouge sang. Affaibli par sa terrible blessure, il choisit immédiatement, et avec beaucoup de sagesse, de fuir à toutes jambes. Malgré l’aide de son Arme, il a du mal à quitter les lieux et se retrouve poursuivi par une cinquantaine de villageois en colère. Du haut de la colline, à l’orée du bois, Alban et Fazul tirent flèche sur flèche pour couvrir la fuite de leur compagnon. Mais sans aucun effet car, malheureusement, leur fatigue ne leur permet pas de briller et Kele reçoit même une flèche à l’épaule !
Quand Kele les rejoint enfin, Alban et Fazul ont déjà lancé les chevaux au galop. Kele parvient à monter sur le sien mais, comble de malchance (et de fumble), le cheval de Fazul se casse les pattes dans un trou. Il finit miraculeusement par monter sur le cheval de Kele et ils repartent tous les trois en direction de leur camp au triple galop…