Episode 4

“Trois – Un – Un”

Note : Le titre est un hommage à l’attention du magnifique score fait par Lemicromegas sur ses 3D6… Trois, un, un, soit un Fumble !!!! sur un jet de défense à ne pas rater…

Les Sekekers n’avaient laissé du village que des cendres amères. Un carnage. Rien ne pouvait être sauvé que ce qu’Urgul et Mouloud avaient déjà chargé dans la carriole. Une jeune fille à la chevelure de feu, que nous n’avions pas remarquée tout de suite, s’affairait avec eux. C’était une pisteuse du village qui avait échappé au massacre, répondant au doux nom de Freya. Je ne savais pas ce qui s’était passé entre ces trois là pendant que Miäyu et moi chassions le deynonichus, et je ne voulais pas le savoir. Ma blessure me faisait souffrir, autant moralement que physiquement, malgré les soins de Lidine. Je me promis à cet instant d’aider Sambre à construire la Voie du Sud de toutes mes forces, oh oui. Et je joncherais ses flancs de crânes de toutes les Sekekers que je rencontrerais…

Alors que nous nous apprêtions à quitter les ruines encore fumantes, un voyageur batranoban à la mine affable à dos de chameau nous aborda. Cette rencontre n’était pas fortuite. L’homme était un Tarek, d’un énième clan du désert, et il était à la recherche de Messager pour entamer des négociations. D’abord méfiante, notre relation se détendit autour d’une bouffée de fragment de muffin, lorsqu’il nous raconta son histoire. Son clan avait eu un différend avec nos Armes il y avait de cela 400 ans, au sujet du tracé de la Voie du Sud. A la suite d’une débauche de pouvoirs, une poche de magie avait été créée, au cœur de laquelle une épice aussi rare que précieuse avait poussé : une épice qui offrait la vie éternelle. Ainsi, les maîtres de ce clan vivaient encore depuis une époque si reculée. La vie éternelle ! Cela importait peu à nos Armes-dieux, mais le Tarek, qui se prénomma de lui-même Ali Ibn Quelque Chose, pensait que sa présence pourrait bénéficier à tout notre groupe. Messager n’eut pas peur de cet homme, et il en fit son Porteur, tout comme Okpala prit Freya la rousse pour lui-même. Ali me soigna de ses épices magiques, et me prit sur son chameau. C’était un homme bon. Il pensait sans doute devoir me protéger, comme Sambre devait protéger Messager.

Nous avions donc la nourriture, il nous manquait cependant toujours les esclaves, et nous prîmes la décision de rejoindre la caravane austrane, une ville sur roues, qui nous précédait de quelques heures à peine. Là, nous trouverions sans peine des bras pour nous aider à rebâtir Al-rakel.

Après quelques heures à griller sous un soleil de plomb, à attendre au poste de garde batranoban que des soldats ramollis inspectent chaque pouce de notre marchandise, nous rattrapâmes enfin la caravane à la tombée de la nuit, avec la sensation toutefois d’être suivis.

La caravane austrane était, comme je l’ai dit, une vraie ville ambulante. Un spectacle comme Tanaephis en offre parfois aux quatre coins de ses terres. Les bouges côtoyaient les bordels, les chariots de marchandises diverses et variées se frottaient aux roulottes où des vieilles étendaient leur linge. Une foultitude de gamins dépenaillés et maigrelets traînait en queue de caravane afin de récupérer pour eux-mêmes tout ce qui pouvait tomber de valeur d’une carriole ou d’une autre. Des cavaliers allaient et venaient, se joignaient à la mouvance ou s’en séparaient brutalement. Nous croisions des gibets établis à la hâte sur des palmiers, rappelant à tous que malgré tout, la caravane possédait ses lois propres. Nourriture, armes, épices, esclaves… Tout ici était à vendre et à acheter.

Chacun d’entre nous se sépara pour ses propres affaires. J’entendis par la suite qu’Urgul avait cogné le mauvais gars pour boire à l’œil, et qu’une séance de bourre-pif avait dû être interrompue brutalement par l’Administrateur de la caravane lui-même avant que trop de poivrots n’y laissent leur vie.

Ali, parti fouiner de son côté, fit la connaissance de l’Aveugle, l’homme que Salamek avait chargé de retrouver nos Armes-dieux. Il nous rapporta une conversation bien étrange entre cet aveugle et son bâton, orné d’un œil étrange et mobile. Salamek, bien sûr ! Salamek n’était rien d’autre qu’une Arme-dieu lui aussi. Nous devrions nous faire tout petits, ou régler ce problème une fois pour toute. Urgul, après avoir calmé son habituelle fureur, partit s’intéresser à la vie de la caravane. Cherchait-il un bouge ? Un bordel ? Des gens à abimer ? Peu importe, la seule chose qu’il trouva fut un tarek élégant qui cherchait Messager. Assez mauvais menteur, il poussa le nomade en émettant un grognement avant d’aller informer Ali qu’un de ses semblables cherchait le Dieu qu’il portait.

Quant à moi, partie enquêter sur nos poursuivants, j’appris qu’il s’agissait de l’officier du poste de garde batranoban, accompagné de six acolytes. Cet idiot pensait récupérer Sambre des mains d’une gamine de neuf ans sans trop d’efforts. Il ignorait que le porteur de Sambre n’était pas une gamine de neuf ans, mais Shaar de l’Apocalypse. Le bras que je lui pulvérisai se chargerait de lui rappeler à vie sa fatale erreur.

***

Après une courte nuit, Urgul et Freya se firent embaucher par l’Administrateur de la caravane afin de se remplir les poches en jouant les gros bras avec les voleurs de pommes et autres violeurs en puissance. La trace de peinture qui ornait leur plastron en faisait cependant des cibles bien claires pour l’Aveugle, et cela m’inquiéta un peu.

Mouloud disparut comme à son habitude pour faire fleurir son commerce d’épices.

Ali et moi nous mîmes en tête de rechercher l’esclavagiste le plus réputé de la caravane : Morlek. Sa femme nous raconta qu’il avait vendu tous ses esclaves et avait disparu depuis deux jours. Si nous voulions des esclaves, il nous fallait retrouver l’esclavagiste…

Nous nous rendîmes voir son compère Ashul, un vautour mielleux de la pire espèce, celle qu’on écrase dix fois afin qu’elle n’ait pas une seule chance de se reproduire. Qui nous jura bien sûr qu’il n’y était pour rien, que Morlek était comme son frère, que son cœur saignait et que si pour le consoler nous pouvions lui acheter un ou deux scorpions abrutis par la chaleur, bla bla bla. Ali le crut et Ashul le renvoya vers Jarek, riche marchand positionné en début de convoi qui à tous les coups aurait eu à y gagner, lui. Mais sa gueule ne m’inspirait guère plus que ses bestioles empoisonnées, et je le suivis discrètement vers l’arrière de la caravane pendant que les autres jouaient les gentilshommes empoussiérés afin de rencontre Jarek, ce qu’ils ne firent pas puisqu’il n’était pas là. Et pour cause, le susnommé Jarek se trouvait à l’arrière dans une carriole, accompagné de deux gros bras et d’un gros marteau de guerre-dieu à la bouche garnie de dents étroites et effilées nommé Skern.

Une vraie terreur. Ashul était allé rendre discrètement rendre visite à ce riche marchand à la mine patibulaire, et je compris qu’il avait fait enlever Morlek qui commençait à lui faire de l’ombre. Ashul le chacal pouilleux s’était aplati devant plus fort que lui et avait sans doute vendu son ami pour deux pièces ou un coup tiré vite fait dans un bordel.

Jarek trempait dans tout un tas de sales affaires, dont du trafic d’armes pour les clans tareks. Sambre n’aimait pas ça. Entourés d’une ribambelle de gamins pouilleux dont les yeux reflétaient l’admiration pour une de leurs semblables ayant réussi dans la vie, nous mîmes à jour ce trafic en suivant un des gardes de Jarek en fin de convoi puis en l’y confrontant. Je n’eus même pas à le tuer. Ma réputation était en marche. Les gamins furent déçus. Pas tant que moi quand je vis ce qui se passait du côté de la carriole de Jarek…

Urgul, en bon Oeil-de-braise psychotique, et Mouloud, en pyromane psychotique, avaient pris la décision de charger Jarek sans nous attendre. Ils faillirent en crever, et ça leur aurait fait les pieds. Mais lorsque nous revînmes, le chariot du marchand n’était plus qu’une grosse bûche de braise, Jarek un mannequin d’entraînement percé de toutes parts et Skern, le terrifiant marteau bardé de crocs, hurlait sa joie d’avoir livré un combat si excitant même s’il avait perdu.

Skern connaissait nos Armes-dieux. Il y a 400 ans, ils s’étaient alliés pour libérer Constance et Messager de je ne sais quel péril (fatale erreur, selon moi). Après quelques accolades entre bouts de métal, je libérai Morlek, emprisonné façon jambon fumé dans un chariot non loin de là, après avoir découenné ses deux geôliers pour me libérer de ma frustration d’avoir manqué LE combat du jour.

Morlek n’avait plus ses esclaves, vendus à un puissant marchand maître de l’oasis de Taäl, un certain Madrille. Il nous mit en garde : Madrille était diablement protégé par une vingtaine d’hommes, et possédait une Arme-dieu un peu tarée que personne n’osait s’approprier de peur de finir dingo comme ses deux derniers Porteurs.

***

Mouloud avait sacrément morflé dans sa frénésie pyromane, et Urgul portait encore la profonde marque des crocs de Skern, que l’on avait entre-temps remis à un gamin de quatre ans, histoire de leur apprendre la vie à tous les deux. Un marteau sympa, ce Skern. Bon vivant, et tout.

Bref, notre épicier avait bien besoin de repos, et nous restâmes un jour de plus à la caravane austrane afin de reprendre des forces.

Mais finalement l’oasis de Taäl se dévoila à nous. Quelques poignées de maisons en pierre enserraient en leur cœur un lac qu’une source de montagne alimentait. Et au-delà, une imposante enceinte séparait le peuple de son maître. Le maître était inaccessible. Mais c’était bien lui que nous étions venus voir. Et rien ne nous ferait repartir sans nos esclaves.

Madrille avait détourné le cours d’eau pour irriguer quoi ? Sa maison ? Un jardin d’été ? Une piscine ?

Dix gardes patrouillaient sur le rempart pour empêcher quiconque de vérifier. Nous attendîmes la fraîcheur de la nuit pour passer à l’action. Ali escalada la muraille tel un singe des jungles gadhares, et je me faufilai par le conduit d’irrigation pour me retrouver dans un champ d’épices florissant. Je résistai à l’envie de m’en emplir les poches et courus rejoindre le tarek à la porte d’entrée. Mais devant le madrier imposant, nous comprîmes que jamais nous ne parviendrions à ouvrir pour laisser entrer nos camarades. Et Ali décida de leur jeter sa corde par-dessus l’enceinte pendant que j’allais explorer la demeure du maître.

Des gardes, il y en avait ! Dix sur les remparts et cinq sous l’auvent de la maison. Mais pas d’esclave à l’horizon. Il y eut des mouvements, des voix, des bruits de métal qui s’entrechoquaient : Urgul et Freya, installés sur le mur d’enceinte, s’étaient mis en tête de se farcir les dix gardes. Mouloud avait basculé tête la première dans le champ d’épices et se retrouva dans la position dans laquelle je l’avais rencontré pour la première fois, et à laquelle je devrais m’habituer, à quatre pattes le cul en l’air et la tête enfouie dans les plants d’épices.

C’était la diversion dont nous avions besoin afin de pénétrer dans la maison de Madrille sans attirer l’attention.

La confrontation finale s’approchait à grand pas. Ali par l’extérieur, et moi tranquillement par l’escalier, nous allions pouvoir négocier le rachat des esclaves de Morlek pour… disons deux ou trois cesthams.

Dehors, nos deux compagnons avaient pas mal fait le ménage, et pendant que Freya attirait l’attention des cinq archers restants – et de fort belle manière puisque elle attira nos seulement leur attention, mais également leurs cinq flèches dans son corps pulpeux (3-1-1 Souvenez vous…) et bientôt réduit en pulpe par la chute qui s’ensuivit – Urgul vint se joindre à la fête en sautant de la muraille jusque dans la chambre à coucher du maître où Madrille se faisait tripoter par une poignée de gourgandines bien en chair.

 Mais d’esclaves il n’y avait point. Les fourbes s’étaient libérés, l’avaient volé, pillé son trésor, dérobé Paraguel, l’Arme-dieu folle, fait un trou dans le mur et pris la poudre d’escampette…