“Tournées Barbares”
« Oyez ! Oyez la fameuse histoire de Fazul l’estropié, qui défendit vaillamment la chaîne des forts contre les invasions des barbares nordiques avec une troupe de chevelus mal peignés et une garde rapprochée tout aussi décatie que lui-même.
Fazul l’estropié, que l’on nomme aussi Fazul le boîteux, Fazul le bancal, ou Fazul le traître rascal dans d’autres régions de ce monde, était accompagné d’Alban le faiblard et de Kele le déboîté. A eux trois les nouveaux Porteurs rallièrent des tribus aux haines ancestrales pour le plus grand siège que la région eut connu depuis des lustres. Et voici comment cela se passa !
La troupe rentra fort dépitée au camp après leur fuite la queue entre les jambes du fameux village investi par trois Piorads, qui entre temps s’était mué en Fort abritant mille cinq cents barbares nordiques assoiffés de sang, et qui s’était trouvé un nom sauvage et plein de promesse quant aux actions qui allaient s’y dérouler : Fort Ulmak.
Les trois collègues étaient en piteux état, mais le temps n’était pas aux soins, Une fois le Vedar averti de la présence de prisonniers et d’une Arme-Dieu aux mains des barbus, il chargea ses plus fiers officiers, ou du moins les moins pouilleux de rassembler au plus vite une armée pour aller sauver tout ce petit monde. Ce qui arrangeait bien les Armes-dieux vu que c’était Messager, leur chef qui poireautait là-bas en attendant la fonte des glaces dans cent-cinquante ans.
Bref, Fazul Jambe-de-bois fut bombardé général, Alban le frigorifié, Premier Adjoint et Kele, Baiseur de sauvageonnes en chef. Affublés de deux légionnaires et trois sauvageons, dont une barbare à crête et aux dents longues, qu’on nomma plus tard Ygrid-Au-Bouclier tellement elle se faisait respecter à coup de devinez quoi ? et après à peine une heure à se faire suturer à coup de fil à rôti pour les uns, raboter la guibolle à la meule pour les autres, et de micro-sieste pour les derniers, voilà notre fameuse troupe de nouveau sur la route, sous la neige, dans le froid, la morve gelée sous les narines et les yeux embués – enfin, pour ceux qui en avaient.
Ce n’était point une mince affaire que de rallier cinq villages dont le principal passe-temps était de se poutrer la tronche les uns les autres tous les deux jours. Ces villages se trouvaient au nord de la chaîne, et le Vedar comptait sur les fameux talents oratoires de nos fiers compagnons pour se fabriquer sa petite armée sans pour autant dégarnir son mur d’un seul débile.
Déjà le groupe était tendu. Deux clans se détachaient clairement : les soldats de l’empire d’un côté, accompagnés de deux légionnaires (dont Adrien le fidèle compagnon de la première heure), et les trois sauvageons de l’autre, une peu jaloux des Porteurs et prêts à tout…
Svep (rebaptisé Svejth parce que ça faisait plus nordique quand même) fut la première étape des compagnons, car ils s’y étaient fait des amis/amants/compagnons de beuverie, et surtout qu’ils avaient gagné une bataille pour eux. Ils furent accueillis comme des princes, burent tout leur saoul, et le chef ne put leur refuser deux cent bonshommes bien paillards. Ca commençait bien, c’était cool, puis vint le premier but de l’équipe de France, suivi du second dans la minute et les barbares perdirent toute concentration durant les 80 minutes suivantes…
A la fin de cette écrasante victoire, qui en laissait présager une autre nous l’espérions, il fut temps de se rendre au second village, Lingsas, qui s’avérait une autre paire de manches niveau négociations. Le chef en était justement Torlak, un méchant gars qui n’aimait ses voisins que pour leur mettre sur la gueule. Son village était également le refuge des deux jumelles coquines chez qui Kele avait eu ses entrées à Svep pour la fête du porcelet. Et pendant que le Gadhar allait se rappeler à leur bon souvenir, les autres allèrent tenter de rallier le chef. Celui-ci avait son éminence grise, et aucun des deux n’aimait l’empire. Heureusement, Ygrid parla comme une bonne barbare, échoua lamentablement et fut sévèrement tancée au point d’être obligée de se défouler à coup de bouclier sur le premier gamin qui passa (depuis ce jour on appelle ça une « spéciale Ygrid »). Du coup, son cuisant échec ne put que mettre en valeur les arguments de Fazul qui parvint tant bien que mal à soutirer une centaine d’hommes à Torlak par une ruse vieille comme le monde : celle du trésor à partager en deux « fifty/fifty » !
On dormit et but encore et encore, puis on repartit pour la tournée des villages. Sur la route, un complot ourdi par les sauvageons contre Alban afin de récupérer son cimeterre-dieu échoua grâce au bouclier d’Ygrid, qui aurait mérité d’être élevé au rang de bouclier-dieu. Mais voilà le monde est injuste !
Skagen était le village suivant sur la liste, dont le chef était une femmelette Porteur du nom de Arnül. Franchement, quand on a un tréma dans son nom et qu’on porte un marteau de guerre qui s’appelle Skern et qui est doté d’une bouche garnie de crocs acérés, refuser de se battre ça fait pas très barbare, hein ? Eh ben Arnül était de ce genre, malgré ses biscottos, ses peaux de bêtes qui puaient et ses fils (sept !) aussi grands que des éléphants. Alban avait chopé un coup de froid (ou bien un coup de dague du sauvageon cité plus haut ?), et il était aux portes de la mort en arrivant au village.
Petite précision : Alban est joué par Lemicromegas « one scene-one pj », non, on ne dirait pas comme ça mais ça a son importance pour la suite, vous allez voir… Mais en attendant d’aller mieux, Lemicromegas joua Adrien, le fidèle légionnaire dérigion.
La seule chose qui pouvait faire bouger Arnül, c’était une arme-dieu qu’il aurait pu filer à son fiston préféré dénommé Roderick sur le moment. Or, joie inextinguible ! Okpala était plus ou moins libre vu que son Porteur, le fier Alban, était à deux doigts d’être poussé dans le feu parce qu’il le valait bien. Ainsi fut-il décidé qu’un combat entre le gros Roderick et Adrien qui la fermait depuis le début mais se serait bien vu Porteur lui aussi. Si Roderick gagnait, Arnül serait obligé de filer des hommes à Fazul. S’il perdait, eh ben c’était pas clair mais on s’en fout puisque ça s’est pas passé comme ça.
En deux rounds, Roderick défonça Adrien puis alla réclamer son dû auprès d’Alban en le caressant de sa hache.
Oui oui, vous l’avez bien compris cher public : Lemicromegas ce soir-là buta son ex-futur perso (qui n’était autre sur le papier que le même que son perso présent à part le nom qui changeait) avec son futur perso, puis avec son futur perso devenu son nouveau perso, buta son perso présent devenu son ex-perso. Eh oui, trois persos en deux minutes de jeu, presque aussi rapide que les deux premiers buts de l’équipe de France… On a atteint là le summum de la schizophrénie.
Mais au final tout le monde était content, Lemicromegas avait un perso neuf qui pourrait lui durer bien trois heures de plus, Arnül versa une larme pour son fils devenu comme papa, Fazul obtint une armée de la part du bonhomme et Kele put se bourrer la gueule encore et encore. Seule Ygrid était frustrée, car ça faisait bien une heure qu’elle n’avait pas filé un coup de bouclier.
Il restait deux villages à visiter et le temps pressait, donc le groupe se sépara. Fazul et Kele allèrent visiter Bruch, village auquel ils avaient foutu une raclée à l’épisode un, mais dont ils pouvaient espérer un coup de main de son nouveau chef vu qu’ils l’avaient aidé à prendre le pouvoir. Jojeaz se montra un âpre négociateur, mais Fazul obtint quelques hommes et Kele une ou deux chopines.
Ygrid et Roderick, renommé Arnül fils d’Arnül maintenant que Lemicromegas avait récupéré la feuille de perso, se rendirent à Enh où le chef Inval adorait se battre, et c’est pourquoi malgré une négociation ratée de la part des deux envoyés, il décida d’accepter l’invitation, juste pour par être le seul con à refuser d’y aller et se faire railler par ses collègues chefs au bal annuel des sauvageons.
Et voilà comment l’empire défendait ses terres, par une armée de pouilleux qui ne pouvait même pas les blairer ! Ils sont forts ces dérigions !
Bon, ok, à l’arrivée au point de rendez-vous, il y avait quelques cadavres non identifiés, dus sans doute à des haines ancestrales pas prêtes d’être résolues. L’essentiel étant que les chefs étaient réunis autour d’un feu, à attendre que le Général Fazul prenne la tête des opérations.
Organiser le front de la bataille entre tous ces gars qui se détestaient fut aussi difficile qu’un plan de table à un mariage consanguin batranoban, mais la troupe fut vite à pied d’oeuvre pour régler son compte à Bozarg qui avait accueilli plus de mille Piorads à Fort Ulmak.
Ca sentait la sueur, la haine, le froid, le sang, la boue et le fromage pourri des doigts de pieds en train de geler. Les lames s’entrechoquèrent sur les plastrons. Les hurlements et grognements résonnèrent dans la vallée.
« C’est un beau jour pour mourir », dit Arnül fils d’Arnül. Et il ne s’avançait pas trop en disant cela…