Bloodlust est un jeu médiéval-fantastique profondément ancré dans la violence et les désirs de ses héros. Le continent de Tanaephis, dont les contours rappellent ceux du continent antarctique, est ravagé par les guerres depuis des milliers d’années et pour des milliers d’années. Autrefois partagé par les elfes, les orques, les nains et les humains, désormais seuls ces derniers foulent son sol riche de légendes et leurs tribus se partagent le monde.
A l’Est, les Vorozions dirigent le plus vaste empire, comparable aux romains par son administration, sa rigueur et ses routes ; les Derigions, civilisation décadente autrefois maîtres de Tanaephis préservent les reliques de leur empire déchu au sein de Pôle, sa capitale, ville immense aux millions d’habitants ; les Piorads, peuple viking ivre de violence, pillent et vandalisent frénétiquement les régions nordiques, se heurtant aussi bien aux puissantes armées Derigion et Vorozion dans leur avalanche de conquêtes, qu’aux farouches Thunks, petit peuple d’inspiration mongole compensant ses relatives faiblesses par des techniques de guérilla ensanglantant les montagnes enneigées. Les déserts et les côtes occidentales accueillent la civilisation arabisante des Batranobans, la plus ancienne civilisation humaine, fondée sur le commerce et prospérant grâce à la culture exclusive des épices aux effets variés et surnaturels. Les jungles et les marécages du Sud sont le refuge des Gadhars, peuple primitif à la peau noire disséminé en d’innombrables tribus survivant dans cette nature sauvage, terrain de chasse d’espèces très dangereuses. Les plaines fertiles et tempérées du centre sont parcourues par les Sekekers, des amazones misandres adeptes de l’automutilation, pillant les villages de fermiers, massacrant les hommes et dérobant les jeunes filles. Enfin, deux autres peuples sont discernables. D’une part les Alwegs – qui ne sont finalement que les exclus de toutes les autres races et peuplades de Tanaephis – et d’autre part les Hysnatons qui, comme les Alwegs, ne forment pas tout à fait une ethnie particulière mais regroupent tous les descendants des anciennes races de Tanaephis (Orcs, Elfes et Nains) et dont certains traits caractéristiques perdurent ; ainsi un Batranoban pourra-t-il être Hysnaton par ses oreilles pointues soulignant sa lointaine parenté elfique ou un Piorad arborera-t-il encore la proéminente mâchoire des orcs aujourd’hui disparus ; et tous deux, chassés de leurs clans respectifs seront appelés “Alwegs”.
Derrière une toile de fond richement décrite et empreinte d’un réalisme barbare, Bloodlust peut être défini par deux particularités. Tout d’abord les joueurs n’incarnent pas seulement un personnage de ce continent violent mais deux. L’un est homme ou femme, l’autre est une arme dans laquelle s’est incarné un esprit divin doué de pouvoirs (seule forme de magie sur le continent si l’on excepte les effets de certains épices). L’un est mortel (et le taux de mortalité est très élevé sur Tanaephis !), l’autre est éternel et tous les deux sont liés dans une quête d’assouvissement de leurs désirs… ce qui rejoint l’autre particularité de Bloodlust : Oephis, Naenerg et Taamish sont les trois lunes de Tanaephis. Leur mouvement dans les cieux influe sur les marées comme sur les passions des hommes, faisant de l’astronomie la science la plus importante du monde. Dans ce monde sans religions, les dieux se sont incarnés dans les armes pour pouvoir ressentir la ferveur des émotions humaines, partager le plaisir des sens et les flammes du coeur de leurs porteurs. En échange de cette communion, le porteur d’arme est considéré comme un être supérieur, parfois envié, parfois jalousé, parfois haï et toujours à la limite de la vénération.
Le système de jeu des deux premières éditions est d’inspiration classique. Les compétences et le D100 ont la primeur et sont complétés par une demi-douzaine de caractéristiques notées sur 20 (multipliées par 5 au besoin) donnant les bases de chaque compétence. Afin d’illustrer la violence de Tanaephis, le système s’appuie naturellement sur les règles de combat : 6 options (des compétences comme Attaque Brutale, Esquive ou Feinte) régissent l’essentiel de la tactique et fournissent les modificateurs à l’initiative, au toucher et aux dégâts. A ceux-là s’ajoutent les particularités de la trentaine d’armes présentées. Pour toucher il suffit d’obtenir un résultat inférieur ou égal à la valeur du personnage dans l’option sélectionnée. Le dé des unités est important car il détermine l’échelle des dégâts (de 1 à 10) selon le facteur de dommages propre à l’arme (de A à Q). Le système est complété par une table de localisation et un échelonnement des blessures : seule la valeur du dernier coup, celui portant les points de vie dans le négatif, détermine le niveau de dégâts, la mort ou les séquelles éventuelles. Un système de combat de masse permet de simuler les nombreux affrontements d’armées qui émaillent les scénarios.
L’arme est essentiellement définie par les pouvoirs qu’elle possède. Sa description de base est celle de n’importe quelle autre arme du même type : modificateur de dégâts, d’initiative, capacités spéciales et bonus. Environ 200 pouvoirs sont répartis en trois catégories. Les Pouvoirs Principaux ont tous trait au combat, de près ou de loin, qu’il s’agisse de combinaisons offensives, de destruction d’armure ou de compétences de combat incontrôlées. Les Pouvoirs Secondaires sont plus subtils puisqu’ils portent avant tout sur les capacités du personnage (astronomie, discrétion, etc.). Enfin, les Pouvoirs Exotiques sont les plus spectaculaires : de la projection de flammes à la téléportation et aux auras d’invulnérabilité ; ceux-là peuvent transformer n’importe quel arme en objet étrange, suintant de poison, entièrement en os ou doté d’organes sexuels… Les pouvoirs possèdent tous un coût (parfois trois en fonction du bénéfice désiré) et peuvent se voir joints de conditions d’utilisation ou de limitations. Ces deux dernières catégories diminuent le coût total de l’arme.
Dernier point fondamental : les désirs. Porteurs et armes-dieux possèdent la même liste de désirs. Prestige, richesse, sexe, violence et réputation sont notés sur la fiche de chaque porteur. Ces valeurs dépendent à la fois de la tribu choisie et des penchants du joueur. Les centres d’intérêt de l’arme sont symbolisés par un modificateur aux désirs du porteur, ce qui peut générer des conflits (désirs opposés) ou provoquer une exacerbation (ou une atrophie) si les valeurs fortes vont dans le même sens. Outre le fait qu’ils servent de base à l’interprétation et aux visées de ce couple contre-nature, les désirs servent à déterminer comment une arme acquière de l’expérience et donc de nouveaux pouvoirs. L’augmentation du personnage est plus classique : les jets critiques (réussites ou échecs) servant à faire progresser ses compétences et ses caractéristiques.
En 2012, plus de 20 ans après la parution de la première édition du jeu, John Doe a obtenu de Croc l’autorisation de rééditer Bloodlust. La nouvelle incarnation s’annonce comme fidèle à l’esprit du jeu, mais prend quelques libertés avec des points de background ou des secrets, qui d’ailleurs n’ont pas toujours fait l’unanimité. Elle se dote également d’un système plus moderne utilisant des dés à six faces.
Les personnages n’ont plus d’attributs au sens classique : ils sont décrits par un ensemble immuable de compétences très générales, et par des Aspects, des traits librement définis par les joueurs, qui peuvent être mobilisés lors de certains tests. Tous les scores sont notés de 1 à 5.
Pour réussir une action, un joueur utilise une compétence à laquelle il peut associer jusqu’à trois Aspects (moyennant la dépense de points d’Effort en quantité limitée pour chaque scène). La somme de la compétence et des Aspects utilisés indique le nombre de dés à lancer. Les résultats sont additionnés et le total doit être supérieur à une difficulté déterminée par l’état physique et mental du personnage. Le MJ peut moduler la difficulté en modifiant le nombre de dés lancés ou en activant un Aspect néfaste dont le score est alors retranché à la compétence. En cas de succès, les dés obtenant un résultat pair comptent comme des qualités, permettant de quantifier la réussite.
Lors des combats, l’initiative et le nombre d’actions sont déduits des compétences appropriées à l’environnement (par exemple Soldat pour une bataille rangée, Bagarreur pour une bagarre d’auberge). Enfin un système simplifié est proposé pour gérer les personnages secondaires.
Source : http://www.legrog.org/jeux/bloodlust